Soleil mécanique

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1937, Tchécoslovaquie. Bohumil Balda est un architecte passionné par son métier, qui suit les principes de l’architecture moderniste et tente d’insuffler une forme d’avant-garde dans tous ses projets. Balda se méfie comme de la peste des nazis et de leur rhétorique anti-moderniste, d’autant plus que son propre beau-père, qu’il exècre, est affilé au parti National-Socialiste. Mais Balda se voit confier des travaux de plus en plus importants par la direction locale du NSDAP et alors qu’il réalise les premiers projets à son corps défendant, il bascule progressivement, fasciné par les projets délirants et grandioses du régime nazi… Deuxième livre de l’architecte polonais Lukazs Wojciechowski, Soleil Mécanique est dessiné, comme son premier ouvrage Ville nouvelle, avec le logiciel de dessin technique AutoCAD.

L'avis de Louis Moulin

On pourrait considérer que Soleil mécanique relève d'un pur exercice de style, tant la performance de réaliser une bande dessinée complète avec un logiciel dédié au dessin technique d'architecture est en soi époustouflante. Ce serait très réducteur. Car au delà de la prouesse formelle, l'ouvrage se signale par son récit particulièrement bien mené. On doit avouer qu'on s'est totalement laissé prendre par la vraisemblance du récit, persuadé pendant une bonne partie de la lecture qu'on nous racontait une histoire vraie. Cela tient aux nombreux effets de réels déployés, notamment la géniale idée de reproduire des vraies-fausses photos de maquettes des projets supposément conduits par Bohumil Balda.

Cette histoire d'un architecte qui, au gré de la construction de bâtiments toujours plus ambitieux, bascule peu à peu dans le nazisme, interroge le rapport entre la forme des bâtiments et le projet politique qu'ils sous-tendent. Est-ce que trouver magnifique la gare de Florence Santa Maria Novella - c'est le cas de l'auteur de ces lignes - fait de nous un mussolinien en puissance ? Peut-on séparer Albert Speer l'architecte d'Albert Speer le responsable nazi ? Est-ce qu'on peut encore apprécier les réalisations du Corbusier après qu'aient été exhumées ses accointances pour le fascisme ? Autant de questions stimulantes posées par l'ouvrage qui rappelle, au passage, qu'il n'y a pas meilleur medium que la bande dessinée pour parler d'architecture.