Le passage de la nuit

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Que se passe-t-il après les douze coups de minuit ? Mari rencontre un musicien dans un bar, sa sœur partage à son insu le sommeil d’un inconnu… Pour les âmes solitaires d’une ville assoupie, les expériences se succèdent, entre fantasmagorie et réalité. Le lecteur, voyeur protégé par l’obscurité, palpe les rêves inquiétants des acteurs de la nuit.

L'avis de Chloé Rotrou

A l’instar de plusieurs des romans de Haruki Murakami, After Dark (aka Le passage de la nuit en français) captive moins par son intrigue que pour ses ambiances de rêve tortueux. Construit comme l’observation caméra d’une ville anonyme au cours d’une nuit, le roman suit les rencontres et croisements aléatoires d’individus, dont les interactions fugaces semblent dilater le temps. De l’aube au crépuscule, chaque chapitre s’introduit par un lieu, et l’image d’une horloge marquant le passage de la nuit, à la manière d’un scénario.  D'un café Denny's au décor fade et anonyme, à un love hotel mafieux qui suggère une inspiration tokyoïte, Murakami décrit une ville nocturne comme privée de mouvement.

On y suit la métamorphose des comportements humains, des impulsions vaines aux émotions franchement perchées, et les parcours de ces gens de la nuit en dit beaucoup sur la transformation des usages urbains à la nuit tombée. Si l’intrigue en elle-même peut être insignifiante, le désœuvrement des personnages met en perspective le quotidien de nos vies urbaines, renversé par les rythmes mi-envoûtants mi-sordides de la nuit. En bref, un récit parfait pour passer du côté obscur de la ville, et qui décrit à merveille ce sentiment d’attente avant que la ville ne s’éveille. Chez Murakami la métropole nocturne n’a pas de nom, comme si la nuit toutes les villes se confondaient.