Le monde inverti

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Helward Mann est l’un des habitants de la cité Terre, une mégalopole progressant sur le sol inconnu d’une planète effrayante. Il ne sait rien de l’extérieur et doit maintenant jurer qu’il ne révélera jamais ce qu’il y découvrira. Mais le long des rails qui mènent à l’optimum, Helward découvrira un monde dominé par le chaos et la barbarie, des paysages déformés, éclairés par l’hyperbole du soleil. C’est avec ce roman, où se mêlent sense of wonder et spéculations scientifiques, que Christopher Prient s’imposa en 1974 comme l’un des plus talentueux auteurs de la science-fiction britannique.

L'avis de Philippe Gargov

"J'avais atteint l'âge de mille kilomètres" : c'est par cet incipit, désormais gravé dans le marbre de la grande littérature, que s'ouvre ce chef-d'oeuvre de Christopher Priest. Chef-d'oeuvre, le mot est faible, tant ce livre possède une capacité d'envoûtement remarquable. Embarqués aux côtés du héros, les lecteurs et lectrices seront amenés à découvrir les règles d'un monde qui dépasse l'entendement, littéralement. Mais si Le monde inverti est un must-read en matière de science-fiction, il est encore plus indispensable pour qui s'intéresse aux imaginaires de la ville. Le roman de Christopher Priest offre en effet l'une des plus belles incarnations, si ce n'est la plus belle, d'un archétype urbain qui nous tient particulièrement à cœur : la ville mobile, et plus précisément la ville mobile survivaliste.

La "cité Terre", qui sert de résidence aux héros de ce livre, est en effet la matérialisation d'une utopie omniprésente dans l'urbanisme contemporain, celle d'une hypermobilité appliquée à l'échelle des métropoles. De la "Walking City" d'Archigram jusqu'aux modules sur rail de l'agence Jägnefält Milton, en passant bien évidemment par la BD Transperceneige, cet archétype inspire de nombreux travaux depuis plus d'un demi-siècle. Symbole d'une modernité post-industrielle poussée à l'excès, au point d'être l'ultime solution à la crise environnementale qui nous guette, la figure de la ville mobile amène indubitablement à réfléchir sur la vanité de nos sociétés anthropisées. Et ceci est d'autant plus vrai quand la réalité rejoint la fiction, à l'image de la ville suédoise de Kiruna, qui devra se déplacer de plusieurs kilomètres en raison des exploitations minières à proximité. Impossible de ne pas repenser, en lisant cet exemple, au lent mouvement ferroviaire qui anime la cité mobile imaginée par Christopher Priest...

Vous l'aurez compris, l'ouvrage mériterait de figurer dans n'importe quelle bibliothèque un tant soit peu urbanos, d'où sa présence ici. Et puis, comme dit l'adage : "Un monde inverti en vaut deux !"

On en a parlé sur pop-up urbain :
Entre guerre et paix : la ville mobile dans la culture populaire